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DE P. DE RONSARD.

Mais cette-là qui me fait langoreus
Le sçait, le voit, et si ne le veut croire.
   E, que me sert que mon mal soit notoire
A un chacun, quand son coeur rigoreus,
Par ne sçai quel desastre malheureus,
Me fait la playe, et si la prend à gloire?
   C'est un grand cas, que pour cent fois jurer,
Cent fois promettre, et cent fois asseurer
Qu'autre jamais n'aura sus moi puissance,
   Qu'elle s'esbat de me voir en langueur:
Et plus de moi je lui donne asseurance,
Moins me veut croire, et m'appelle un moqueur.


Plus que jamais je veus aimer, maitresse,
Vôtre oeil divin, qui me detient ravy
Mon coeur chez lui, du jour que je le vi,
Tel, qu'il sembloit celui d'une déesse?
   C'est ce bel oeil qui me paist de liesse,
Liesse, non, mais d'un mal dont je vi,
Mal, mais un bien, qui m'a toujours suivy,
Me nourrissant de joye et de tristesse.
   Desja neuf ans evanouiz se sont
Que vos beaus yeus en me riant me font
La playe au coeur, et si ne me soucye
   Quand je mourois d'un mal si gracieus:
Car rien ne peut venir de voz beaus yeus