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DE P. DE RONSARD.

Je ne suis pas celui qui veus Paris reprendre
D’avoir manqué si tost à Pegasis de foy :
Plutost que d’accuser ce jeune enfant de Roy
D’estre en amour leger, je voudrois le defendre.
Il fist bien, il fist bien, de ravir cette Helene,
Cette Helene qui fut de beauté si tres-plene,
Que du grand Jupiter on la disoit anfant :
L’amant est bien guidé d’une heure malheureuse,
Quand il trouve son mieus, si son mieus il ne prent,
Sans languir tant es bras d’une vieille amoureuse.


C’est grand cas que d’aimer ! Si je suis une année
Avecque ma maitresse à deviser toujours,
Et à lui raconter quelles sont mes amours,
L’an me semble plus court qu’une seule journée.
S’une autre parle à moi, j’en ay l’ame gennée :
Ou je ne luy di mot, ou mes propos sont lours,
Au milieu du devis s’egarent mes discours,
Et tout ainsi que moi ma langue est estonnée.
Mais quand je suis aupres de celle qui me tient
Le cœur dedans ses yeus, sans me forcer me vient
Un propos dessus l’autre, & jamais je ne cesse
De baiser, de taster, de rire, & de parler :
Car pour estre cent ans aupres de ma maitresse
Cent ans me sont trop cours, & ne m’en puis aller.


E, que me sert, Paschal, ceste belle verdure