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CONTINUA. DES AMOURS

En lieu de la piquer, baisans son beau visage,
En amassoyent les fleurs, & en faisoyent du miel.


Je veuls me souvenant de ma gentille amie
Boire ce soir d’autant, & pource, Corydon
Fay remplir mes flacons, & verse à l’abandon
Du vin, pour resjouir toute la compagnie.
Soit que m’amie ait nom, ou Cassandre, ou Marie,
Je m’en vois boire autant que de lettre a son nom,
Et toi, si de ta belle & jeune Madelon,
Belleau, l’amour te point, je te pry ne l’oublie.
Qu’on m’ombrage le chef de vigne, & de l’hierre,
Les bras, & tout le col, qu’on enfleure la terre
De roses, & de lis, & que dessus le jonc
On me caille du lait rougi de mainte fraise :
E n’esse pas bien fait ? or sus, commençon donq,
Et chasson loin de nous tout soing & tout malaise.


Que me servent mes vers, & les sons de ma lyre,
Quand nuit et jour je change et de meurs et de peau,
Pour en aimer trop une ? hé, que l’homme est bien veau
Qui aux dames se fie, & pour elles souspire !
Je pleure, je me deux, je cry, je me martire,
Je fais mile sonnetz, je me romps le cerveau,
Et si je suy haï : un amoureus nouveau
Gaigne tousjours ma place, & je ne l’ose dire.
Ah ? que ma Dame est fine : el’me tient à mépris,