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LE QUATRIÈME LIVRE
DE LA FRANCIADE.


Quand la nouvelle au père fut venue,
D’ardeur et d’ire une bouillante nue
Pressa son cœur, qui menu sanglottait[1]
A poings fermés l’estomac se battait.
Et discourait en lui-même la sorte,
Comment sa fille en la mer était morte.
Il soupirait, et d’un bourbier fangeux
Déshonorait sa barbe et ses cheveux :
Il rompt sa robe, et, tout privé de joie,
Son fils Orée aux oracles envoie :
Auquel (cherchant d’un cœur dévotieux
Trois jours entiers la volonté des dieux
Par mainte offrande en victime immolée)
Telle voix fut du trépied révélée :
« Que le vieillard éteigne le tison,
« Et l’arondelle ôte de sa maison. »

Telle parole, en doute répandue,
Fut aisément de ce prince entendue :
C’est de l’amour éteindre le tison,
Et l’étranger chasser de sa maison,
Qu’il cuidait[2] traître, infidèle et sans âme.
Et du trépas de sa fille le blâme.

« En nul pays la foi n’a plus de lieu,
Disait ce prince, et Jupin le grand dieu
N’a plus de soin de l’humaine malice,
Et le péché ne craint plus la justice.

  1. D’un battement précipité.
  2. Cuidait : croyait