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Et la peste infectée en nos murs enfermée
Le peuple moissonner d’une main affamée.
Qui pis est, ces Devins qui contemplent les tours
Des Astres, et du Ciel l’influance et le cours,
Predisent qu’en quatre ans (Saturne estant le guide)
Nous voirrons tout ce monde une campaigne vuide :
Le peuple carnassier la Noblesse tuer,
Et des Princes l’estat s’alterer et muer :
Comme si Dieu vouloit nous punir en son ire,
Faire un autre Chaos, et son œuvre destruire
Par le fer, par la peste, et embrazer le sein
De l’air, pour étouffer le pauvre genre humain.
Toutefois en cet âge, en ce siecle de boue,
Où de toutes vertus la Fortune se jolie,
Sa divine clemence ayant de nous soucy,
T’a fait ô Villeroy, naistre en ce monde icy
Entre les vanitez, la paresse et le vice,
Et les seditions qui n’ont soin de justice,
Entre les nouveautez, entre les courtizans
De fraude et de mensonge impudens artizans,
Entre le cry du peuple et ses plaintes funebres,
Afin que ta splendeur esclairast aux tenebres,
Et ta vertu parust par ce siecle eshonté,
Comme un Soleil sans nue au plus clair de l’Esté.
Je diray d’avantage à la tourbe amassée,
Que tu as ta jeunesse au service passée
Des Rois, qui t’ont choisi, ayant eu ce bon-heur
D’estre employé par eux aux affaires d’honneur,
Soit pour flechir le peuple, ou soit pour faire entendre
Aux Princes qu’il ne faut à ton maistre se prendre,
Par ta peine illustrant ta maison et ton nom.
Ainsi qu’au camp des Grecs le grand Agamemnon