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SONET

[Publié en 1555 : Meslanges.]
[Texte de 1560 : Amours, liv. I, 137.]


Que tu es, Ciceron, un affetté menteur.
Qui dis, qu’il n’y a mal si non que l’infamie !
Si tu portois celui que me cause m’amie,
Pour le moins tu dirois que c’est quelque malheur.
Je sen journelement un aigle sus mon cœur,
J’entens un soing grifu, qui comme une Furie
Me ronge impatient : puis tu veus que je die
Abusé de tes mots, que mal n’est pas douleur.
Vous en disputerés ainsi que bon vous semble
Vous philosophes Grecs, et vous Romains ensemble,
Si esse que d’amour le travail langoreux
Est douleur, quand un œil l’encharne dedans l’ame :
Et que le deshonneur, la honte, et le diffame
N’est point de mal au pris du torment amoureus.


MURET [ ? BELLEAU] Que tu es Ciceron.) Ciceron en imitant la secte des Stoiques raconte en ses Tusculanes, qu’il n’y a point de douleur si ce n’est infamie et deshonneur, notre Poète au contraire dit qu’il ne pense en ce monde plus grande douleur que celle qui procede d’amour.


Amour tu semble au phalange qui point,
Luy de sa queue, et toy de ta quadrelle,
De tous deux est la pointure mortelle,
Qui rempe au cœur, et si n’aparoist point.