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La guerre est à mon huis. Pour charmer mon souci,
Page, verse sans fin du vin dedans mon verre.
Au vent aille l’Amour, le procez et la guerre,
Et la melancholie au sang froid et noirci :
Adieu rides, adieu, je ne vy plus ainsi :
Vivre sans volupté c’est vivre sous la terre.
La Nature nous donne assez d’autres malheurs
Sans nous en acquerir. Nud je vins en ce monde,
Et nud je m’en iray. Que me servent les pleurs,
Sinon de m’attrister d’une angoisse profonde ?
Chasson avec le vin le soin et les malheurs :
Je combats les souciz, quand le vin me seconde.


ELEGIE

Un long voyage ou un courroux, ma Dame,
Ou le temps seul pourront m’oster de l’ame
La sotte ardeur qui vient de vostre feu,
Puis qu’autrement mes amis ne l’ont peu,
M’admonestant d’un conseil salutaire,
Que je cognois, et que je ne puis faire.
Car tant je puis par mes sens empesché,
Qu’en m’excusant j’approuve mon peché.
Et si quelqu’un de mes parens m’accuse,
Incontinent d’une subtile ruse
Par long propos je desguise le tort,
Pour pardonner à l’autheur de ma mort,
Voulant menteur aux autres faire croire
Que mon diffame est cause de ma gloire.
Bien que l’esprit resiste à mon vouloir,
Tout bon conseil je mets à nonchaloir,