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Aeson vit rajeunir son escorce ancienne.
Nul charme ne sçauroit renouveller la mienne :
Si je veux rajeunir, il ne faut plus aimer.


XXXIII

Si la beauté se perd, fais-en part de bonne heure,
Tandis qu’en son printemps tu la vois fleuronner :
Si elle ne se perd, ne crain point de donner
A tes amis le bien qui tousjours te demeure.
Venus, tu devrois estre en mon endroict meilleure,
Et non dedans ton camp ainsi m’abandonner :
Tu me laisses toymesme esclave emprisonner
Es mains d’une cruelle, où il faut que je meure.
Tu as changé mon aise et mon doux en amer.
Que devoy-je esperer de toy, germe de mer,
Sinon toute tempeste ? et de toy, qui es femme
De Vulcan, que du feu ? de toy garse de Mars,
Que couteaux, qui sans cesse environnent mon ame
D’orages amoureux, de flames et de dars ?


XXXIIII

Amour, seul artisan de mes propres malheurs,
Contre qui sans repos au combat je m’essaye,
M’a fait dedans le cœur une mauvaise playe,
Laquelle en lieu de sang ne verse que des pleurs.
Le meschant m’a fait pis, choisissant les meilleurs
De ses traits ja trempez aux veines de mon foye :
La langue m’a navrée, à fin que je begaye
En lieu de raconter à chacun mes douleurs.