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J’estois vrayment un sot de te prier, Maistresse :
Des Dames je ne crains l’orage vengeresse.
En liberté tu vis, en liberté je vy.
Dieu peut avec raison mettre son œuvre en pouldre.
Mais je ne suis ton œuvre, ou sujet de ta fouldre :
Tu m’as tres-mal payé pour avoir bien servy.


XXIIII.

Puis qu’elle est tout hyver, toute la mesme glace,
Toute neige, et son cœur tout armé de glaçons,
Qui ne m’aime sinon pour avoir mes chansons,
Pourquoy suis-je si fol que je ne m’en delace ?
Dequoy me sert son nom, sa grandeur et sa race,
Que d’honneste servage, et de belles prisons ?
Maistresse, je n’ay pas les cheveux si grisons,
Qu’une autre de bon cœur ne prenne vostre place.
Amour, qui est enfant, ne cele verité.
Vous n’estes si superbe, ou si riche en beauté,
Qu’il faille desdaigner un bon cœur qui vous aime.
R’entrer en mon Avril desormais je ne puis :
Aimez moy, s’il vous plaist, grison comme je suis,
Et je vous aimeray quand vous serez de mesme.


XXV

Sommeillant sur ta face, où l’honneur se repose,
Tout ravy je humois et tirois à longs traicts
De ton estomac sainct un millier de secrets,
Par qui le Ciel en moy ses mysteres expose.
J’appris en tes vertus n’avoir la bouche close :
J’appris tous les secrets des Latins et des Grecs :