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Il est bien vray que de nuict et de jour
Je me complains des embusches d’Amour,
Qui d’un penser un autre fait renaistre.
C’est mon seigneur, je ne le puis hayr :
Vueille ou non vueille, il faut luy obeyr.
Le serviteur est moindre que le maistre.

ELEGIE DU PRINTEMPS A LA SŒUR D’ASTRÉE.

Printemps, fils du Soleil, que la terre arrousée
De la fertile humeur d’une douce rousée,
Au milieu des œillets et des roses conceut,
Quand Flore entre ses bras nourrice vous receut,
Naissez, croissez Printemps, laissez vous apparoistre :
En voyant Isabeau, vous pourrez vous cognoistre :
Elle est vostre mirouër, et deux liz assemblez
Ne se ressemblent tant que vous entre-semblez :
Tous les deux n’estes qu’un, c’est une mesme chose.
La Rose que voicy, ressemble à ceste Rose,
Le Diamant à l’autre, et la fleur à la fleur :
Le Printemps est le frere, Isabeau est la sœur.
On dit que le Printemps pompeux de sa richesse,
Orgueilleux de ses fleurs, enflé de sa jeunesse,
Logé comme un grand Prince en ses vertes maisons,
Se vantoit le plus beau de toutes les saisons,
Et se glorifiant le contoit à Zephire.
Le Ciel en fut marry, qui soudain le vint dire
A la mere Nature. Elle pour r’abaisser
L’orgueil de cest enfant, va par tout r’amasser
Les biens qu’elle espargnoit de mainte et mainte année.