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Depuis ce temps j’ay perdu toute envie
De me ravoir, et veux que la poison
Qui corrompit mes sens et ma raison,
Soit desormais maistresse de ma vie.
Je veux pleurer, sanglotter et gemir,
Passer les jours et les nuicts sans dormir,
Hayr moymesme, et de tous me distraire,
Et devenir un sauvage animal.
Que me vaudroit de feire le contraire,
Puis que mon Astre est cause de mon mal ?

VIII

Le premier jour que l’heureuse aventure
Conduit vers toy mon esprit et mes pas,
Tu me donnas pour mon premier repas
Mainte dragée et mainte confiture.
Jalouse apres de si douce pasture,
En mauvais goust tu changeas tes appas,
Et pour du sucre, ô cruelle, tu m’as
Donné du fiel, qui corrompt ma nature.
Le sucre doit pour sa douceur nourrir :
Le tien m’a fait cent mille fois mourir,
Tant il se tourne en fascheuse amertume.
Ce ne fut toy, ce fut ce Dieu d’aimer
Qui me deceut, en suivant sa coustume
D’entre-mesler le doux avec l’amer.

IX

Adieu cheveux, liens ambitieux,
Dont l’or frizé ne retient en service,