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Amour, tu es enfant inconstant et leger :
Monde, tu es trompeur, pipeur et mensonger,
Decevant d’un chacun l’attente et le courage.
Malheureux qui se fie en l’Amour et en toy :
Tous deux comme la Mer vous n’avez point de foy,
L’un fin, l’autre parjure, et l’autre oiseau volage.


III

Homme ne peult mourir par la douleur transi.
Si quelcun trespassoit d’une extreme tristesse,
Je fusse desja mort pour suivre ma maistresse :
Mais en lieu de mourir je vy par le souci.
Le penser, le regret, et la memoire aussi
D’une telle beauté, qui pour les deux nous laisse,
Me fait vivre, croyant qu’elle est ores Déesse,
Et que du ciel là hault elle me voit ici.
Elle se sou-riant du regret qui m’affole,
En vision la nuict sur mon lict je la voy,
Qui mes larmes essuye, et ma peine console :
Et semble qu’elle a soin des maux que je reçoy.
Dormant ne me deçoit : car je la recognoy
A la main, à la bouche, aux yeux, à la parole.


IIII

Deux puissans ennemis me combattoient alors
Que ma dame vivoit : l’un dans le ciel se serre,
De Laurier triomphant : l’autre dessous la terre
Un Soleil d’Occident reluist entre les morts.
C’estoit la chasteté, qui rompoit les efforts
D’Amour, et de son arc, qui tout bon cœur enferre,