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De sa belle et vive figure,
Oyant sa voix, qui sonnoit mieux
Que de coustume, et ses beaux yeux
Qui reluisoient outre mesure,
Et son souspir qui m’embrasoit,
J’eusse bien veu qu’ell’ me disoit :
Or’ soule toy de mon visage,
Si jamais tu en euz soucy :
Tu ne me voirras plus icy,
Je m’en vay faire un long voyage.
J’eusse amassé de ses regars
Un magazin de toutes pars,
Pour nourrir mon ame estonnée,
Et paistre long temps ma douleur :
Mais onques mon cruel malheur
Ne sceut prevoir ma destinée.
Depuis j’ay vescu de soucy,
Et de regret qui m’a transy,
Comblé de passions estranges.
Je ne desguise mes ennuis :
Tu vois l’estat auquel je suis,
Du ciel assise entre les anges.
Ha ! belle ame, tu es là hault
Aupres du bien qui point ne fault,
De rien du monde desireuse,
En liberté, moy en prison :
Encore n’est-ce pas raison
Que seule tu sois bien-heureuse.
» Le sort doit tousjours estre égal,
Si j’ay pour toy souffert du mal,
Tu me dois part de ta lumiere.
Mais franche du mortel lien,