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Helas, où est ceste beauté,
Ce Printemps, ceste nouveauté,
Qui n’aura jamais de seconde ?
Du ciel tous les dons elle avoit :
Aussi parfaite ne devoit
Long temps demeurer en ce monde.
Je n’ay regret en son trespas,
Comme prest de suivre ses pas.
Du chef les astres elle touche :
Et je vy ? et je n’ay sinon
Pour reconfort que son beau nom,
Qui si doux me sonne en la bouche.
Amour, qui pleures avec moy,
Tu sçais que vray est mon esmoy,
Et que mes larmes ne sont feintes :
S’il te plaist renforce ma vois,
Et de pitié rochers et bois
Je feray rompre sous mes plaintes.
Mon feu s’accroist plus vehement,
Quand plus luy manque l’argument
Et la matiere de se paistre :
Car son œil qui m’estoit fatal,
La seule cause de mon mal,
Est terre qui ne peult renaistre.
Toutefois en moy je le sens
Encore l’objet de mes sens,
Comme à l’heure qu’elle estoit vive :
Ny mort ne me peult retarder,
Ny tombeau ne me peult garder,
Que par penser je ne la suive.
Si je n’eusse eu l’esprit chargé
De vaine erreur, prenant congé