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Je connoy bien que je devroy me taire
En t’adorant : mais l’amoureux ulcère
Qui m’ard le cœur, vient ma langue enchanter.
Donque (mon Tout) si dignement je n’use
L’ancre et la voix à tes grâces chanter,
C’est le destin, et non l’art qui m’abuse.


MURET

Quand j’apperçoy.) Quand il considère les excellentes beautez de sa dame, il dit, qu’il a honte et regret de ne les pouvoir dignement descrire : cognoissant bien, qu’il faudrait se taire, ou en parler mieux. Mais la force de son amour est si grande, qu’elle le contraint d’entreprendre plus qu’il ne peut. Par ainsi, dit-il, que si en ceste part il ne s’acquitte entièrement de son devoir, il ne s’en faut pas prendre à luy, ains à son destin, qui l’a voulu adresser en si haut lieu, que la force de ses escrits n’y peut aucunement atteindre. Sans fraude.) Sans fard, sans vermeillon, à la mode des Latins, Sine dolo, arte, et fraude. Faulte digne de grâce.) Il confesse bien qu’il y a de la faute en luy, mais que toutefois telle faulte est digne de grâce, d’autant qu’elle ne procède pas de mauvais vouloir. De tes beautez les honneurs trahissant.) Car j’entrepren de les descrire : et après n’en puis venir à bout.


LXVI

Ciel, ær, et vents, plains et monts découvers,
Tertres vineux, et forests verdoyantes,
Rivages tors, et sources ondoyantes,
Taillis rasez, et vous bocages vers :
Antres moussus à demy-front ouvers,
Prez, boutons, rieurs, et herbes rousoyantes,