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LIIII

Ô doux parler, dont l’apast doucereux
Nourrit tousjours la faim de ma mémÔire :
Ô front, d’Amour le Trofée et la gloire,
Ô dÔux sÔuris, Ô baisers savoureux :
Ô cheveux d’or, Ô coutaux plantureux
De liz, d’oeillets, de porfyre, et d’ivoyre :
Ô feux jumeaux, dont le ciel me fit boire
À si longs traits le venin amoureux :
Ô vermeillons, Ô perlettes encloses,
Ô diamans, Ô liz pourprez de roses,
Ô chant qui peut émouvoir un Lion,
Et dont l’accent nos âmes vient espoindre :
Ô corps parfait, de tes beautez la moindre
Mérite seule un siège d’Ilion.


MURET

Ô doux parler.) Le Poëte absent de sa dame, remémore particulièrement aucunes de ses beautez, et souhaite les revoir. L’apast doucereux.) Il dit nourrir la faim de sa mémoire par l’apast douceureux du doux parler de sa dame : C’est à dire, qu’il paist son esprit de la souvenance du parler d’icelle. Trofée.) Ainsi disoit on anciennement, quand on avoit revestu quelque arbre ébranché, des despouilles de l’ennemy, pour monument de victoire. Et se dit en Grec xpô-jraiÔv, parce qu’on avoit de coustume de le dresser pour avoir tourné l’ennemy, lors qu’il se mettoit en fuite, qu’ils appelloient xpÔrn^v. Coutaux plantureux.) Le sein abondant en ces couleurs, qu’il représente par les lis, œillets, porfyre, et ivoire. Feux jumeaux.) Les yeux par lesquels il dit à longs traits avoir beu le venin amoureux : ce qui se fait, parce que