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Je ne voy pré, fleur, antre ny rivage, Champ, roc, ny bois, ny flots dedans le Loir, Que peinte en eux, il ne me semble voir Cette beauté qui me tient en servage. Ores en forme, ou d’un foudre enflammé, Ou d’une nef, ou d’un Tigre affamé, Amour la nuict devant mes yeux la guide : Mais quand ma main en songe les poursuit, Le feu, la nef, et le Tigre s’enfuit, Et pour le vray je ne pren que le vuide.


MURET

Injuste Amour.) Au premier quatrain il dit, que l’homme ne peut résister à la force d’amour. Au second, que quelque part qu’il regarde, il a tousjours la beauté de sa dame devant les yeux. Aux six derniers vers, qu’il la voit de nuict en diverses formes : mais que quand il la pense embrasser, elle s’enfuit. Nostre raison qui préside.) De là est, que Platon [Prot. 352 b.] l’appelle 70 ï,-’s :;jLovr/..v. Je ne voy pré.) C’est une chose naturelle, que ceux que nous aimons fort, il nous semble tousjours que nous les voyons. D’où est, que les Latins disent porter quelcun dans l’œil, pour dire l’aimer bien fort. Les Grecs disent pour le mesme, porter quelcun en la teste, è7cï z7 t xeçaXï) neptcpépeiv. Ou d’un foudre.) Parce qu’elle me brusle. Ou d’une nef.) Parce qu’elle me fuit. Ou d’un Tigre affame.) Pour ce qu’elle me dévore.


XXIX

Si mille œillets, si mille liz j’embrasse,
Entortillant mes bras tout à l’entour,
Plus fort qu’un cep, qui d’un amoureux tour
La branche aimée, en mille plis cnlasse :