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DEL TUMBEOR NOSTRE DAME

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Lincy, qui a aussi déterminé d’une manière certaine la date du manuscrit en prenant comme année de son exécution celle qui est la première dans le calendrier perpétuel au commencement du volume, c’est-à-dire 1268.

Il n’y a pas d’indices qui permettent de retrouver l’auteur ni de déterminer exactement le lieu et l’époque où il a vécu. La langue nous autotorise néanmoins à lui attribuer comme date approximative la fin du XIIe siècle, et le dialecte est celui de l’Île de France ; mais le copiste, qui a du reste traité le texte avec respect, paraît avoir été originaire de la Picardie. A la vérité, il n’a que rarement mis k au lieu de ch et ch au lieu de ç dans les cas où le picard emploie ces lettres ; mais il a régulièrement, à trois exceptions près, changé en s picard le z du français. Le glossaire présente quelques roots remarquables parmi lesquels nous citerons les suivants. Fuster (au vers 112), qui signifie ordinairement ‘ravager’, se présente ici dans le sens de ‘fureter, fouiller.’ On en trouvera un exemple dans Ste-Palaye : ‘Lors fist fuster tout le chastel a scavoir que le chevalier estoit devenu.’ Rom. de Perceforest vol. 5, fol. 101 vo col. 2. — V. 141 tenve (= tenuis) se trouve dans un des derniers sermons de saint Bernard. — V. 263 son ses (= satis), locution assez fréquente, appuyée d’un grand nombre d’exemples dans Ste-Palaye.

— V. 509 bersaire au lieu de bersail, cf. Ducange s. v. bersa.

Je prends ici l’occasion de remercier M. Gaston Paris, aux lumières

duquel j’ai eu plusieurs fois recours1.

Es vies des anciens peres,
La ou sont bones les materes,
Nos raconte [on] d’un examplel :
Jo ne di mie c’alsi bel
5N’ait on oi par maintes fois,
Mais cil n’est pas si en desfois
Ne face bien a raconter.
Or vos voil dire et aconter
D’un menestrel que li avint.

10Il ala tant et tant revint
En tant maint lieu et despendi,
Qu’en .j. saint ordre se rendi,
Por le siecle que li anoie.
Chevals et robes et monoie
15Et quanqu’il ot trestot i mist,
Et del monde si se demist,
C’onques puis ne s’i vout ramordre.
Por ce se mist en cel saint ordre,
Si con l’en dit, en Clerevaus.
20Quant rendus se fu cil dansieaus
Qui si estoit bien acesmes


  1. Je dois à l’obligeance de mon ami M. Cornu le rapprochement d’un conte qui fait partie des ’Traditions et légendes de la Suisse romande’, Lausanne et Paris 1872. De même que le frère du couvent se scandalise de ne pas voir le ménestrel à l’office et l’epie jusqu’à ce qu’il le trouve servant Dieu et Marie à sa façon, de la même manière le curé de Naters, dans la Messe à Aletsch, voyant qu’un montagnard ne descendait jamais à l’office, va un dimanche le visiter à son chalet, mais ne le trouve pas : il était avec sa femme et une partie de sa famille autour d’une grande pierre sur laquelle un ange disait la messe. Un récit tout semblable existe aussi dans la Gruyère.
Leçons fautives du manuscrit. V. 6 cis. — 20 cis.