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LA PASSION DU CHRIST 297

Mais per vos et per vostres filz 66 d

Dans l’un de ces trois vers (57a), il y a un accent marqué sur la
cinquième, ce qui est tout à fait contraire à la règle de ce rhythme. Je
trouve même deux vers où la cinquième est, avec la huitième, la seule
syllabe fortement accentuée du vers et où il ne paraît pas possible d’in-
troduire une correction :

Poisses leisarai l’en annar 58 d
Pilat cum audid tals raisons 61 a

Au contraire dans celui-ci : Si grant prés pavors als Judeus 19 b, il est
très-facile de rétablir le rhythme en intervertissant pavors et pres.
Malgré ces exceptions fort rares, on voit que l’hémistiche, avec accent sur la troisième ou quatrième syllabe, est de règle dans les vers de la Passion. La dernière forme, qui divise le vers en deux parties parfaite ment égales, est tellement prédominante qu’on peut l’appeler la forme normale. Il est naturel dès lors que l’on ait traité de même les deux hémistiches, et qu’on ait permis au premier, comme au second, l’adjonc tion d’une syllabe atone non comptée dans les huit syllabes exigées pour le vers. On sait que les vers de dix et douze syllabes admettent cette forme (au moins dans la poésie épiquej pendant tout le moyen-âge. Elle se retrouve, comme je l’ai dit jadis et comme l’a montré M. ten Brink (voy. Romania 1, 295), pour les octosyllabes dans notre poème. Voici cinq vers où je crois pouvoir l’admettre :

Canted avéien de Jhesu Crist 7 d 1
Pedra sub altre non laiserant i6d 2
Corona préndent de las espines 62 3
Davan la pórta de la ciptat 67 b 4
S’espauriren si de pavor 1 00 b 4

Il est vrai que ces cas ne sont pas absolument assurés, mais on ne voit pas pourquoi on se refuserait à admettre cette coupe : ce n’est que le petit nombre des exemples qui fait hésiter. Quant à la chute féminine du second hémistiche, elle est fréquente dans notre poème (20 rimes sur 258), tandis qu’elle est exclue du Saint Léger : cette variété dans la chute des vers devait rendre l’exécution musicale peu commode 6.

1 . Diez (Jahrb. VII, 367) corrige ce vers en lisant avién, mais je ne puis
admettre cette forme.

2. Diez propose de lire lairant.

3. Diez (Jahrb. VII, 368) lit dels espines, ce qui peut s’appuyer sur le v. 10 a. 4. Diez conjecture Anz la porta.

y. Ce dernier vers est douteux : on ne l’obtient que par une correction.
6. Pour de plus amples détails sur la métrique de la Passion, voy. Diez,
Jahrb. VII, 369 p.

Romania, II

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