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Et puis, dans un lointain vitreux comme un carreau,
Le vertige assassin nous montant à la tête,
Et nous laissant crouler avec des cris de bête,
Des ongles du remords au panier du bourreau ;

Voilà ce qu’à travers nos projets et nos actes,
L’effrayant messager intime aux plus têtus :
Mane, Thecel, Pharès de nos rares vertus,
Supplice anticipé de nos vices compactes.

Hélas ! plus nous savons combien ce monde est vain,
Plus notre illusion se fane et se débrode,
Plus la rouille du temps nous mange et nous corrode,
Plus nous prêtons l’oreille au terrible devin.

Et toujours, et partout, quand l’horreur et le drame
Méditent contre nous un sombre événement,
Nous sommes lancinés par le pressentiment :
Moucheron du destin qui bourdonne dans l’âme.