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Ton résultat est nul encor, même à ce prix.
Après avoir dressé ton labeur solitaire
Assez haut pour te croire enfin mort à la terre,
Tu n’as échafaudé que le pont du mépris.

Voici qu’un vieux restant de rancune l’entame,
Et qu’un regain d’orgueil pousse dans son crépi.
À peine y passes-tu qu’il a déjà subi
L’ascension du fiel qui regrimpe à ton âme.

Reconstruit, le pont croule ; et toujours de nouveau
Ton boiteux infini que l’énigme enténèbre
Recommence à tâtons son traînement funèbre
Dans le dépit qui fait le fond de son caveau.

La vie installe en nous, de par la destinée,
Tout le mauvais limon qui naît sur son chemin,
Et la seule amertume au fond de l’être humain
Par son cours fugitif est emmagasinée.