l'antiquité et le drame lyrique florentin. 73
monique que son jeune rival, Caccini, bien que très inférieurs l'un et l'autre aux grands madrigalistes du seizième siècle. Il était universellement connu pour sa virtuosité sur l'orgue , et tous les instruments « di tasto, » et surtout par son admirable voix de so- prano. Les salons aristocratiques se disputaient le beau chanteur, dont la chevelure dorée était un des attraits de Florence vers 1590 (1). Le grand-duc avait fait de lui le directeur en chef de sa musique; aussi jouissait-il d'une suprématie incontestée sur tous les artistes.
Péri ne semble pas avoir eu la douceur de caractère de Caccini. La conscience qu'il avait de sa valeur le rendait souvent d'un commerce difficile (2). Il avait, d'ailleurs, le petit ridicule de vouloir ajouter à la gloire du talent la noblesse de la naissance ; et ses compatriotes exercèrent quelquefois leur esprit aux dépens de cet enfant trouvé, qui se targuait de descendre des Péri, vieux nobles florentins (3). Ruspoli le traite même de faux dévot et de faux bonhomme (4); il va jusqu'à insinuer les plus odieuses calomnies sur sa moralité. Mais Ruspoli avait un ami à venger, et ses injures sont sujettes à caution. Péri s'était fait beaucoup d'ennemis à Florence ; dans sa haute situation près du prince, il usa peu de son crédit en faveur des artistes, qui ne l'oublièrent
(1) « Bellissima capellatura fra bionda et rossa. » Il lui devait son surnom de Zazzerino.
Rosselli, dans son commentaire d'un fort méchant sonnet de Franc. Rus- poli contre Péri, nous donne de curieux détails sur la personne du Zazze- rino. Le portrait n'est pas flatté (sans doute pour piquer la fatuité du chan- teur). « 11 était de taille raisonnable, maigre et sec, et dans sa vieillesse non seulement' avait les jambes sans molets, mais encore plus grosses du bas que du haut; et au bout, deux vilains grands pieds, qu'il tenait si écar- tés, et les pointes si en dehors, que lorsqu'il cheminait par les rues... etc. »
» Di statura giusta, magro et asciutto, e nella sua vecchiaia non solo aveva le gambe senza polpe, ma ancora più grosse da piedi che da capo, e aile fine di quelle aveva certi piedacci grandi i quali teneva di modo lar- ghi, e con le punte tanto lontane l'una dalP altra, che quando camminava per le strade serrava quasi con essi gli sportelli aile botteghe... etc. »
(1) Voir notamment dans le livre de M. Corrado Ricci sur les Théâtres de Bologne au dix-septième siècle, ses disputes avec Rinuccini pour une re- présentation d'Euridice à Bologne, en 1616.
(3i II sut gouverner habilement sa fortune et mener ses affaires en même temps que sa gloire; il épousa une assez noble demoiselle di' Fortini, qui lui apporta une riche dot et lui donna six fils. Rosselli nous a laisse sur eux des renseignements assez curieux (voir Lafage, Essais de diphtérographie). L'ainé fut un élève tout à fait distingué de Galilée.
(4) Naturn inclina al mnle e viene a farsij
L'abito poi difficile a mutursi.
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