44 LES ORIGINES DU THEATRE LYRIQUE MODERNE.
A lire ces indications, il semblerait qu'il s'agît d'une panto- mime. Il n'en est rien; les acteurs récitants, chez Banchieri , ne sont là que pour dire le prologue (le dialogue du directeur de théâtre de Faust), et pour annoncer les sujets des scènes, en ter- cets. Ajoutons qu'ils dansent à la fin quelques pas de ballet, pour laisser le public sur une impression plus gaie (1). C'est donc une symphonie dramatique, comme le Roméo et Juliette de Berlioz, une symphonie à programme, non pas écrit, et distribué au hasard de l'ouvreuse, mais clairement déclamé et bien compris de tous.
Les moyens d'expression étant cachés au public, .il n'importe quels ils sont, et, pourvu que le but soit atteint, c'est-à-dire pourvu que l'auditeur reçoive l'impression intime de la scène dont le sujet vient de lui être énoncé, il ne doit point chicaner l'auteur sur les moyens employés. Or, le compositeur ne possède pas à cette époque les multiples ressources de l'orchestre mo- derne, les variétés d'instruments, les combinaisons de timbres. Pourtant il a besoin de la polyphonie musicale. Il veut exprimer dramatiquement les sentiments humains; la plupart sont com- plexes; ils se pénètrent l'un l'autre; la clarté d'une phrase mélo- dique ne suffit pas à rendre le trouble et l'agitation d'une passion ; elle ne dit que les transports de la voix, de l'action et du geste; elle est impuissante à bien rendre les troubles intérieurs. De plus, dans l'action dramatique, nous assistons à des conflits de passions, à des luttes de sentiments. Si le dialogue littéraire, qui est celui de gens du monde, ou de bonne compagnie, ne fait en- trer un motif qu'après un autre motif, et défend de parler à deux personnes à la fois, le dialogue musical qui veut représenter la vie intérieure, est bien forcé de suivre les deux sentiments con- traires ; et sous le silence passionné de la bouche, souvent s'agite le cœur tumultueux. La parole de l'un n'arrête pas les émotions de l'autre; elle les provoque plutôt. La musique, par ses archi- tectures harmoniques, est faite justement pour fondre en un en- semble, des vies et des passions distinctes. Ce serait s'appauvrir que renoncer à ce pouvoir. Vecchi en use donc; mais la pau- vreté instrumentale relative, et l'inexpérience permise aux inven- teurs, le forcent à employer la polyphonie des voix, où nos com-
(1) « Finito il Canto si levano in piedi Curiosità et Opéra, et gli Suona- tori leggiadramente suonano un balletto , il quale sarà danzato dalle Sud- dette. » (Zd., p. 39 de l'édit. de Milan.)
Cette édition est rarissime. Gasperi en a connu un exemplaire dans les mains de M. Becker, de Genève. L'édition plus connue de 1628, Gardane (4 e édit.), ne contient pas la préface, >
�� �