L OPÉRA EN ANGLETERRE. 301
cien de sentiments dramatiques. Il a en lui une source abon- dante d'émotions musicales ; mais le poème ne lui est qu'un prétexte à les épancher largement; quelquefois le sujet le gône ; souvent il s'en affranchit et le déforme, dans sa rêverie passion- née (1). On comprend que les Anglais l'aient souvent rapproché de Mozart. Gomme lui, il est avant tout musicien, et d'esprit clair, qui tend à préciser ses émotions dans une forme dramatique. Comme lui, et plus encore que lui, il a peine à se soumettre à la poésie, et pourtant, reconnaissant ses droits, il tend à une sorte de Duodrama (2) (plus lyrique que celui de Mozart), où la poé- sie et la musique se développent côte à côte, et la main dans la main, en sœurs amies et de même rang, qui se comprennent à demi-mot , sans commander ni obéir.
Purcell a du moins beaucoup de parenté avec les génies ger- maniques du dix-huitième siècle, et surtout avec ceux à qui la séduction italienne a donné, comme à Haendel, le sentiment de la forme et la lumineuse simplicité. Burney, qui pousse un peu attentivement la comparaison de Haendel et de Purcell, dit que, supérieur sous d'autres rapports (en puissance épique, en ma- yvsté), Haendel, rapproché de Purcell, fait, dans l'expression vo- cale des paroles anglaises, l'effet d'une traduction près d'un ori- ginal. Nous ne sommes pas bons juges, et bien des nuances nous échappent (3) ; mais nous ne devons pas oublier les règles de cri- tique prudente d'Addison (4), et si l'enthousiasme anglais pour leur compatriote nous semble exagéré, il nous faudra penser que
��(1) Ainsi dans un de ses plus fameux morceaux, le chant d'amour de la jeune fille (D. Quichotte) , où la musique , très belle , est presquo un con- tresens.
(2) « J'ai toujours désiré écrire pour un duodrama... Vous savez qu'on n'y chante pas : on déclame , et la musique est comme un récitatif obligé. De temps en temps, on parle aussi avec accompagnement de musique, ce qui fait toujours la plus magnifique impression. Il faudrait traiter de la même façon la plupart des récitatifs d'opéras, et ne les chanter que de temps à autre, quand les paroles peuvent bien s'exprimer en musique. » (Mozart, 12 nov. 1778.)
(3) Il faut évidemment compter avec l'accent de la nation, a Cet accent, » comme dit Addison, « n'est pas la prononciation de chaque mot à part, mais le son de tout le discours. » — « Les Italiens ne pourront jamais sentir la grandeur expressive de Purcell » (23* discours).
(4) « Lorsque vous dites que la rausiquo française n'est pas si bonne que l'italienne, cela ne signifie pas autre chose, si ce n'est qu'elle ne vous plaît pas tant. Elle est parfaite dans son gonre. » — « La musique est quelque chose de relatif » (td.)
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