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294 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

remarquables de ces représentations, fut le Triomphe de la Paix, de Shirley, donné à Charles I er par ses gentilshommes, en témoi- gnage de loyauté, (en 1633, après son retour d'Ecosse). Cette fête d'un luxe et d'une gaieté éclatante était aussi une protestation contre le livre de William Prynne, paru l'année précédente, et flétrissant les spectacles comme œuvres sataniques (1). Withelock, organisateur de la partie musicale, en chargea lves, Lawes et quatre gentilshommes français.

Le puritain Milton (2) prenait part à ces fêtes, et son Cornus (1G37) est le plus célèbre masque de l'époque. Henry Lawes (3) en écrivit la musique; c'était le premier compositeur de l'Angle- terre. Hogarth, différant sur ce point de Burney, qu'il accuse d'avoir mal choisi dans l'œuvre de Lawes, lui reconnaît de rares qualités de grâce, d'élégance, de charme et de fidélité expressive. « S'il n'a point le secret des tendres émotions de l'incomparable » Purcell, il a de l'imagination, du goût et du sentiment. » Il lui reste du moins une certaine rudesse archaïque, si j'en juge par quelques morceaux publiés dans les ouvrages anglais, et en particulier par des fragments du Cornus (4).

��(1) Prynne avait été condamné, comme on sait, à être mis deux fois au pilori , à avoir les oreilles coupées , à payer 5,000 livres au roi , et à être emprisonné le reste de sa vie.

(2) Il est probable qu'il avait dès cette époque connaissance des fameuses représentations dramatiques de Rome. Deux ans plus tard, en 1639, nous le retrouvons chez le cardinal Barberini, à la soirée de Mfl r Rospigliosi et de Marazzoli : Chi sofre speri (Voir page 160. — Lettre de Milton à Luca Holstenio (30 mars 1639, Florence). — The John Milton historical, political and misccllaneous. Londres, 1653). Il vante la courtoisie et les*égards avec lesquels il a été traité par le cardinal Francesco, « cum ille àxp<5a[j.a illud musicum magnificentià vere Romanâ publiée exhiberet. » Ce nom grec donne à penser que Milton n'a pas échappé non plus à l'idée du théâtre antique, mêlé de musique et de poésie.

Le second opéra joué à Venise, en 1638, La Maga fulminata de Manelli et Ferrari, est dédié à l'ambassadeur d'Angleterre, Feilding.

(3) Henry Lawes était alors précepteur de musique dans la famille du comte de Bridgewater, pour qui fut composé Cornus, et qui le fit repré- senter. Admis à la chapelle royale en 1625, Lawes était fort apprécié, et le roi Charles I er l'aimait beaucoup. Pendant la Révolution, il enseigna le chant aux jeunes dames de l'aristocratie. Sous la Restauration, il retrouva sa place, et composa le Coronation-Anthem pour Charles II. Il mourut en 1662, et fut enterré à Westminster-Abbey. On a de lui 3 volumes d'Ayres et Dialogues,

(4) La poôsio en est une des plus belles de Milton. C'est une sorte d' « opéra antique, composé d'hymnes solennelles, dans le genre du Pro- méthée d'Eschyle » (Voir Taine, Littér. anglaise, II, 476). Le génie de

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