mais elle ne suffit pas à animer une tragédie lyrique, et le premier acte gui nous est seul resté, est d’une facilité monotone et froide, qui fait songera l’appréciation de Raguenet : « Les Français cherchent partout le doux, le facile, ce qui coule, ce qui se lie ; tout y est sur le même ton... Ils se croiraient perdus s’ils faisaient la moindre chose contre les règles. » M. Weckerlin , pour défendre le manuscrit du Conservatoire, allègue que « c’était alors du nouveau, que ces tournures de phrases éternellement les mêmes, avec leur harmonie monotone, presque enfantine pour nous, étaient alors tout ce qu’on connaissait déplus raffiné en musique française (1). » Mais les madrigalistes français du seizième siècle, et les auteurs du Ballet de la reine, étaient déjà beaucoup plus raffinés que les auteurs de Pomone ; et quand bien même on ne pourrait trouver en France de précurseurs et de modèles à Perrin et à Gambert, je ne sais s’il faudrait faire un mérite à la musique française d’avoir atteint en 1670 un peu au-dessous du point où l’on en était à Florence dès 1600. Cette ignorance, ou cette indifférence aux chefs-d’œuvre italiens, à une époque où les rapports intellectuels étaient si étroits entre les deux pays, est un fait
(1) Saint-Evremond dit de Pomone : « C’est le premier opéra français qui ait paru sur le théâtre; la poésie en étoit fort méchante, la musique belle... On voyoit les machines avec surprise, les danses avec plaisir; on entendoit le chant avec agrément, les paroles avec dégoût. » {Comédie des Opéra.) Le prologue emphatique donne la mesure de la pièce : Le théâtre représente le Louvre. La Nymphe de la Seine dialogue avec Vertumne :
La Nymphe. Toi qui vis autrefois le fleuve des Romains
Triompher des humains
Et porter le sceptre du monde ,
Vertumne, que dis-tu de ma rive féconde?
Vertumne. J’admire tes grandeurs et la félicité
De ta belle cité.
Mais ta merveille la plus grande,
C’est la pompeuse majesté
Du Roi qui la commande.
Dans l’auguste Louis, je trouve un nouveau Mars,
Dans sa ville superbe, une nouvelle Rome.
Jamais , jamais un si grand homme
Ne fut assis au trône des Césars.
La Nymphe. Aussi, sur la terre et sur l’onde,
Ce monarque puissant ne fait point de projets,
Que le ciel ne seconde :
Il est l’amour !
Tous deux. Il est l’amour et la terreur du monde,
L’effroi de ses voisins, le cœur de ses sujets,... etc.
Ces souvenirs de la Rome dos Césars font penser aux barbares contrefaçons que la Rome antique même avait dû faire de la tragédie d’Athènes.