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248 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

Le style dramatique s'essaie même à l'église (1), L'illustre mu- sicien Charpentier (2) (1634-1702) va étudier en Italie le grand art de Carissimi.

En attendant le résultat de ces recherches, le ballet de cour se perfectionne avec Louis de Mollier, et atteint son apogée dans les poétiques compositions de Benserade (3), reflet délicat et brillant de la cour du jeune roi. À défaut d'action dramatique, il a main- tenant l'unité du sujet et la grâce de l'invention ; son style mu- sical est trouvé, et son école de danse va devenir promptement célèbre dans toute l'Europe; il est trop fort et trop parfait pour pouvoir disparaître, même devant le drame lyrique; la place pré-

��(1) Voir dans Menestrier, le récit tiré du Cantique des Cantiques par Perrin, et exécuté en musique (Récitant, soli et chœurs) pour le mariage de Monsieur avec Henriette d'Angleterre (1661).

(2) L'histoire raconte que Charpentier était allé en Italie étudier la pein- ture; mais que dès son arrivée, un motet de Carissimi, entendu par hasard, lui fit tout abandonner pour la musique. Bien que rival de Lully, il resta toute sa vie très italianisant, peut-être davantage que le Florentin même, qui se plia au goût français. On lui prête ce mot : « Allez en Italie, c'est la véritable source ; cependant je ne désespère pas que quelque jour les Ita- liens ne viennent apprendre chez nous ; mais alors je ne serai plus. » — Nous n'aurons pas occasion de retrouver ce grand compositeur français dans la suite de ces pages, car la jalousie de Lully lui ferme la scène jusqu'à la fin du dix-septième siècle, et il s'est presque entièrement consacré à la musique religieuse.

(3) Voir Fournel, Les contemporains de Molière, histoire du ballet de cour. Paris, 1866, t. II, p. 173 et suiv. H. M. Schletterer : Studien zur Geschichte der franzôsischen Musik. 3 vol., 1885, Berlin, Damkôhler.

Isaac de Benserade (1613-19 oct. 1691), né à Paris, était d'une famille assez noble, alliée à Richelieu. Il se livra de bonne heure aux lettres, et écrivit un certain nombre de tragédies et comédies, dont la première, Cléopâtre, fut jouée en 1635 à l'hôtel de Bourgogne. Il suivit quelque temps, en Espagne, l'amiral de Brézé, son parent, qui fut tué devant lui, à Orbitello. Puis il revint en France, où il sut gagner la faveur de Mazarin et les libé- ralités d'Anne d'Autriche. Il fut même sur le point de partir en Suède, comme ambassadeur. Il était donc déjà riche et célèbre avant d'écrire des ballets. En 1674, il entra à l'Académie Française, où il se signala, non moins par l'appui qu'il prêta à La Fontaine, que par son inimitié pour La Bruyère et Racine.

Les plus célèbres des ballets de l'époque sont : 1651, Cassandre, où débute Louis XIV ; 1653, Le Ballet de la Nuit, triomphe de Benserade ; 26 jan- vier 1654, Ballet des noces de Thètis et de Pelée, œuvre italienne; 17 jan- vier 1657, Ballet de l'Amour malade, œuvre italienne; 14 février 1658, Alci- diane, de Benserade, où débute Lully (Louis XIV y danse avec les nièces de Mazarin); 1662, Hercule amoureux, de Benserade: Ballet de la nuit, de Benserade; 1666, Ballet des Muses; 1669, Ballet de Flore, qui commencent à marquer le déclin de Benserade, etc.

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