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L OPÉRA EN ALLEMAGNE. 221

ficielle de Scarlatti apprendra à ne plus penser à la paresse ita- lienne.

Ainsi, Reinhard Keiser, inférieur à Scarlatti en génie musical, le surpasse parce qu'il ouvre une ère nouvelle à la musique alle- mande; Scarlatti ferme l'époque de glorieux travail, dont il est le terme. Est-ce la faute et le mérite de Scarlatti et de Keiser? Ne serait-ce pas plutôt ceux de l'époque où ils vécurent, et qui se- conda différemment leurs efforts? — Je ne le crois pas. En des œuvres de même ordre, et de génie inégal, Scarlatti se contentait de refléter brillamment une société dont il flattait les goûts, sans tâcher de les perfectionner. Keiser faisait effort pour policer la sienne (1), et guider l'art allemand vers un idéal de beauté, qu'il n'avait fait que pressentir. Ainsi que dit Schiller, c'est à l'artiste à commander au peuple, et non le peuple à l'artiste.

Telle qu'elle se montre au dix-septième siècle, la musique alle- mande (2) donne la mesure exacte de ses forces, et prend la juste conscience de son pouvoir et de ses limites. Son caractère de mé- ditation intime et de drame intérieur, apparaît clairement avec Schûtz et Francken. Steffani et Keiser lui ont donné le style qui convient à l'action. C'est une importation étrangère; elle n'y ex- cellera jamais; mais l'appliquant à ses dons, elle en fera l'instru- ment de sa pensée, le lien qui la rattache au monde extérieur. Elle n'écrira pas des drames pour lesquels elle n'est point faite (3) ;

��(1) Keiser n'agit pas seulement par ses œuvres, mais par les concerts qu'il institua à partir de 1700, avec un luxe magnifiquo, puis qu'il reprit encore en 1716 avec Mattheson.

(2) Il faudrait ajouter ici aux noms de Keiser, Francken et Steffani, ceux d'autres musiciens qui illustrèrent l'époque, et en particulier de deux maî- tres de l'Oratorio : Jean Sebastiani , maître de chapelle de l'électeur do Brandebourg, qui publia en 1672, à Kœnigsberg , une Passion à cinq voix avec basse continue et six instruments, — et surtout Jean Theile (né à Naum- bourg le 29 juillet 1646, mort en 1724), élève de Schùtz, maître de Buxtehude, qui écrivit une Passion allemande en 1675, une Naissance de Jésus-Christ en 1681, un Adam et Eve en 1678 et des messes. — - Il faudrait, pour compléter cette étude sommaire, des recherches analogues à celles que nous avons pu faire en Italie, dans les bibliothèques mêmes et les archives d'Allemagne. Bien que les Allemands aient toujours été plus soucieux que les autres peuples de leur histoire musicale, il n'est pas douteux qu'il n'y ait encore beaucoup à faire pour la connaissance de leurs vieux maîtres. Nous voudrions plus tard reprendre et continuer ce chapitre.

(3) A mon avis, ce ne sont même pas des drames que les admirables Festspiele de Weber et de Wagner. Les uns sont des légendes fantastiques; les autres, de vastes chansons do geste, mieux faites pour le concert qno pour la représentation. Je n'excepterai que Mozart , qui est un Autrichion

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