208 LES ORIGINES DU THEATRE LYRIQUE MODERNE.
Anima Deo chara : comœdia sacra (1), jouée à Munich en 1643 (2) et 1658, puis sur différents théâtres. L'auteur est inconnu : c'était un religieux , sans doute un jésuite (3). Il avait déjà composé un Théophile. Une préface et d'intéressants avertissements précèdent sa pièce. On y voit combien les idées italiennes sur la musique ont pénétré en Allemagne. Les intelligents conseils sur la façon de chanter et sur les conditions scéniques, semblent un écho des préfaces de Gavalliere et de Gagliano (4). Pourtant l'auteur dé- fend, en bon Allemand, sa personnalité contre l'imitation étran- gère. Il se tient à mi-chemin, de son propre aveu, entre les deux mouvements artistiques, conservateurs et novateurs (5). La par- tition comprend en effet deux sortes de morceaux , des pages d'expression dramatique et des airs de bravoure ( « à portamenti di voce »); les premiers sont de beaucoup les meilleurs. L'or- chestration est particulièrement remarquable. Il y a onze parties de chant (6) et quinze instruments (7). L'auteur les emploie avec de curieuses intentions expressives, qui rappellent Monteverde, et
(1) Bibl. Nat. , Rés. 461. Philothea, ici est Anima Deo Chara : comoedia sacra, anno MDCXLIII et MDCLVIII Monachii, ac deinde in variis theatris saepius decantata : nunc typis excusa, atque sic aptata, ut etiam in templis, aut pro honestà animi relaxatione et pietatis incitamento tam in scenâ, quàm sine scenâ cantari possit. (Monachii, typis Joannis Jaecklini, typogr. elec- toralis, sumptibus Joanni Wagneri, bibliop. anno MDCLXIX.
(2) Contre l'affirmation de Rudhart (Geschichte der Oper am Hofe zu Mûn- chen, 1865), qui donne la date de 1654, pour la première représentation musicale connue en Allemagne. Le titre de Philothea dit bien exactement qu'elle fut jouée sur un théâtre, avant d'être chantée dans les églises (« ut etiam in templis », etc.)
(3) « Nolite artem spectare, quam non profiteor; sed pietatem, et religio- nem, cui sum auctoratus. » (Praefatio. Ad benignos Musicse Aestimatores.)
(4) « Locus non débet esse valdè amplus , nec multus simul spectator ; quia si canendum fortius, non possunt durare guttura : si submissiùs, non audiuntur in loco vasto, vel auditore conferto. » (N'est-ce pas le principe du théâtre de Bayreuth?) — L'auteur anonyme dit encore : « Canendum quandoquè lente, nonnunquam concitate, ad normam affectûs, sine multis coloribus adscititiis. » [Praefatio.)
(5) « Stylo recitativo, qui praestantes requirit cantores, non sum usus ; sed mixto, mihi actoribusque meis commodiore. » (Praefatio.)
(6) 5 canto, 1 soprano, 2 alto, 2 ténors, une basse. — Personnages : Chris- tus (C), Philothea (C.) , Angélus tutclaris et Angélus primus (C), Provi- dentia et Angélus secundus (C), Amor divinus (S.), Misericordia et Eccle- sia (A.), Mundus et Clementia (C), Caro et Justitia (T.), Pax (A.), Bonitas et Longanimitas (T.), David, Orcus et Veritas (B.).
(7) Orgue, 4 violons, 3 violes, 4 hautbois, 3 trombones; théorbes. M. La- voix a étudié l'orchestre de Philothea , dans son Histoire de l'instrumen- tation.
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