186 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.
fois du lyrisme, et du drame sous ses deux formes : récitatif et mélodie. Telle qu'elle nous apparaît dans les manuscrits de Paris, elle semble plutôt faite pour le chant des concerts que pour le jeu scénique. Nous savons pourtant que quelques-unes au moins des cantates de Garissimi furent représentées. C'est ainsi que nous avons la date du Sacrificio d'Isacco, « poème d'un jésuite , musique de Iacopo Garissimi , maître de chapelle de l'Apollinaire », joué dans l'hiver 1655-1656 au Collège Germani- que, sans doute devant Christine de Suède (1).
En général, un court prologue instrumental ouvre la pièce (2); le plus souvent, il se compose de quelques mesures seulement, et l'auteur entre brusquement dans le drame (3). Un petit nombre de lignes, quelquefois une seule, fixent le lieu de la scène et exposent le sujet. Le ténor récite; puis les personnages agissent directement (4). Quand le lyrisme domine, les voix et l'orchestre s'unissent (5). C'est exactement la forme de Bach. La principale différence vient du rôle considérable que l'orchestre a pris chez Bach, rôle qui, chez Garissimi comme chez tous les Italiens, est attribué aux chœurs (6). Le récitatif a perdu sa raideur; c'est l'expression naturelle des sentiments. Léchant, tantôt douloureux et poignant comme la foi du Nord, tantôt d'une suavité péné- trante comme le dessin des monts Albains,dit sobrement ce qu'il veut dire, avec une vivante précision; jamais sentimental, il est toujours puisé aux sources même du cœur.
Inférieur à Schïitz et à Bach pour le lyrisme instrumental (7), peut-être supérieur à eux pour le récitatif et la voce sola, il les égale quand il remue les grandes masses chorales (8) et jette la polyphonie des voix dans l'action dramatique (9). On ne saurait
��(1) Avvisi di Roma.
(2) Judicium Salomonis, Balthazar.
(3) Plainte des damnez.
(4) Dialogue d'Abraham et d'Isaac.
(5) Historia Divitis à 8 voc. ou 2 chœurs cum 2 viol, et organo.
(6) On ne pense pas à le regretter. C'est ainsi chez Raphaël. La couleur y est si justement ce qu'elle doit être, qu'on ne songe pas à se plaindre qu'il n'ait pas usé de toutes les ressources et puisé à pleines mains dans les trésors de Venise.
(7) Il a cependant de la grandeur parfois. Introduction de Ballhazar.
(8) Jephté. — La plainte des damnés.
(9) Ils ont d'ailleurs su s'en souvenir. Hœndel a par exemple, dans le chœur de Samson : « Hear Jacob's God, » employé le « Plorate filiae Israël » de Jephté,
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