132 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.
ou grecque, à un jeu distingué de cardinaux lettrés et d'huma- nistes de bonne compagnie. — A la même époque, Monteverde publiait aussi ses Madrigali guerrieri (1) et ses traductions des poètes; mais de lui à Mazzocchi, il y a toute la différence du style récitatif 'du. style représentatif, et d'un patient travail de tra- duction littérale au fort tempérament d'un homme de théâtre. Les fragments de Virgile et de Tasse, ornés de la délicate mu- sique de Mazzocchi, sont à leur place dans un cénacle d'artistes. Les sujets qui enflamment la verve de Monteverde étouffent dans le salon de Mocenigo et aspirent à s'élancer sur la scène. Maz- zocchi a du reste tiré le meilleur parti du genre qu'il acceptait. Sa Mort de Bidon, textuellement transcrite de Virgile, aurait pu fournir des modèles d'expression lyrique aux Troyens de Berlioz ; et l'épisode de Nisus et Euryale montre sous le jour le plus favo- rable toutes les qualités du compositeur : finesse de sentiment, tendresse de cœur, charme paisible et serein, émotion à la fois élégante et sincère; le traducteur de Virgile n'est pas indigne de son modèle. L'œuvre est traitée à la façon de l'Oratorio de Bach et de Berlioz. Le Récitant (Virgile) dit en musique les gestes et l'action. Les personnages (Nisus , Euryale, mère d'Euryale, etc.) chantent quand leur tour est venu ; et de charmants petits chœurs, aux gracieuses volutes, traduisent les sentiments lyriques de l'âme harmonieuse du poète. Domenico Mazzocchi me semble avoir trouvé le terme naturel de l'art récitatif, tel que le conce- vaient Péri et Caccini. C'est, à coup sûr, sa forme la plus parfaite (2). Ce style continue cependant au théâtre ; il s'y éternise durant un
��(1) Madrigali Guerrieri et Amorosi, con alcuni opuscoli in génère rap- presentativo, che saranno per brevi Episodii frà i canti senza gesto. Libro ottavo di Claudio Monteverde, maestro di capella délia Serenissima Repu- blica di Venetia, dedicati alla Sacra Cesarea Maestà dell' Imperator Ferdi- nando III. (Venise, Vincenti, 1638. Exemplaires à Bologne (Lie. Music), Breslau et Hambourg. Voir chapitre IV.
(2) Domenico Mazzocchi avait un frère, Virgilio Mazzocchi, qu'il ne faut pas confondre avec lui, et dont la réputation musicale fut peut-être supé- rieure encore à la sienne. Virgilio vécut de 1593 à 1646; il fut maître de chapelle à Saint-Jean de Latran (1628-1629), puis à Saint-Pierre (1629-1646). Pitoni dit qu'il introduisit à l'église un style « più vago » (plus agréable), et qu'il rendit les hymnes « giocondi ed ariosi. » Il établit à Rome une cé- /èbre école de chant. Il mit en musique les chœurs de la Troade de Sénè- que, et il fit exécuter à Saint-Pierre de grands « Musiconi » à dix et seize chœurs, avec un écho dans la coupole, « fino in cima alla cupola. » Nous aurons occasion de reparler ùb lui un peu plus loin. (Voir chapitre VI.)
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