06 LES ORIGINES DU THEATRE LYRIQUE MODERNE.
« concitato, » agité) (1). — Nulle autre loi que la vie (2). Or- chestre et voix, tout est mélodie. Tout chante pour son compte. Ce n'est pas une combinaison savante d'éléments indifférents, dont l'ensemble seul est expressif. Les instruments pleurent comme les voix. Les voix s'agitent comme les. instruments. L'or- chestre soupire, gémit, frémit et meurt. C'est la langue de la souffrance et de l'amour, la langue de l'âme libre.
Les pédagogues de l'art en demeurent consternés. « On entend un mélange de sons, une diversité de voix, une rumeur d'har- monie insupportable aux sens. Celui-ci chante un mouvement rapide, celui-là un mouvement lent; l'un prononce une syllabe d'une façon, l'autre d'une autre; l'un s'en va à l'aigu , et l'autre tombe au grave ; et pour comble , un troisième n'est ni grave ni aigu; tel chante au diapason harmonique, tel à l'arithmétique. Malgré toute la bonne volonté du monde, comment voulez-vous que l'esprit se reconnaisse dans ce tourbillon d'impressions (3)? »
Il est curieux de remarquer que c'est au nom de cette même mélodie , affranchie des règles , obéissant au seul mouvement des passions (« la Mélodie de la forêt »), que Wagner, comme Monte- verde, fit sa révolution et se heurta aux mêmes critiques (4). Les choses restent éternellement les mêmes.
Cependant Monteverde diffère de Wagner dans sa conception de l'art dramatique. Il n'a pas de prétentions philosophiques, et
��la investigatione et la prova prima di tal génère, tanto necessario al arte Musica, senza il quale e statta sino ad hora iraperfetta..., etc. » (Préi'ace des Madrigali Guerrieri et Amorosi, Venise, 1638.)
(1) Le principal est ce fameux Combat de Tancrède et Clorinde , joué en 1624 chez Mocenigo. Monteverde avait choisi ce fragment du Tasse pour la variété de ses mouvements et la diversité de ses passions. Qu'on en juge par ce programme : « Motto del Cavallo » (galop du cheval), Combat, Fré- missement de l'orchestre, Trémolos, Cris entrecoupés, Défis, Coups, Invo- cation à la nuit, Mort, Ciel qui s'entr'ouvre.
(2) « Con quietanza délia ragione e del senso », c'est-à-dire qu'il entend bien pourtant rester d'accord avec la raison et les sens. Malgré son libre parler, il s'appuie sur les lois de l'acoustique, dans son emploi des disso- nances. (Voir les Scherzi musicali.)
(3) Artusi, I, 13. Il s'agit expressément de Monteverde; car Artusi, après avoir cité un de ses madrigaux, dit : « Ne so come uno che facci profes- sione di valent' huomo, si lasci scorrere in simili imperfettioni, note fino a putti che ail' hora incominciano a mettere il labro sul fonte d'Helicona. » (II, 48.)
(4) « Die einzige Form der Musik ist die Mélodie. » (Wagner, Œuvres complètes, VII, 166.) , Cf. Mozart : « La mélodie est l'essence même de la musique. » (Principes- de la basse générale.)
�� �