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sité dangereuse, qui depuis cinq ans s’était levée dans le peuple ouvrier — contre les intellectuels. Certes, ceux-ci n’avaient que trop fait pour la mériter. Qu’ils étaient loin, les temps où les hommes de pensée marchaient en tête des Révolutions ! A présent, ils faisaient bloc avec toutes les forces de réaction. Et même le nombre infime de ceux qui s’étaient tenus à l’écart de la bande, en blâmant ses erreurs, se montraient incapables, comme Clerambault, de renoncer à leur individualisme, qui les avait sauvés une fois, et qui les tenait prisonniers aujourd’hui, — incapables de s’incorporer aux mouvements nouveaux des foules. De cette constatation faite par les révolutionnaires, à déclarer la déchéance des intellectuels, il n’y avait pas loin. L’orgueil de caste ouvrière, qui s’affirmait déjà dans des articles, des discours, en attendant qu’il pût, comme en Russie, se manifester par des actes, prétendait que les intellectuels obéissent servilement aux maîtres prolétaires. Il était remarquable que quelques intellectuels fussent parmi les plus ardents à réclamer cet abaissement de la confrérie. Ils eussent voulu faire croire qu’ils n’en étaient point. Ils l’oubliaient !… — Moreau ne l’oubliait pas. Il n’en était que plus amer à répudier la classe, dont la tunique de Nessus lui tenait à la peau. Il y apportait une violence extrême.

Il montrait maintenant envers Clerambault des sentiments bizarrement agressifs ; dans la discussion, il l’interrompait, sans politesse, avec une sorte d’aigreur ironique et irritée. On eût dit qu’il cherchât à le blesser.