moyens d’action ; et chaque jour semblait infliger un nouveau démenti à leurs idées. Mais plus les choses allaient mal, plus ils semblaient contents. Ils avaient l’optimisme du pire, cette croyance forcenée des minorités fanatiques et opprimées : il leur faut l’Antéchrist, pour que revienne le Christ ; elles attendent l’ordre nouveau, des crimes de l’ordre ancien qui le mènent à la ruine ; et elles ne s’inquiètent pas si elles-mêmes seront ruinées, et avec elles leurs rêves. Les jeunes intransigeants, que voyait Clerambault, étaient surtout occupés d’empêcher la réalisation partielle de leurs rêves dans l’ordre ancien. Tout ou rien. Rendre le monde moins mauvais ? Fi donc ! Le rendre parfait, ou qu’il crève ! C’était un mysticisme du grand bouleversement, de la Révolution ; il enfiévrait les cerveaux de ceux qui croyaient le moins aux rêves des religions… Religieux, ils l’étaient plus que ceux des Églises… Ô folle espèce humaine ! Toujours cette foi dans l’absolu, qui mène aux mêmes ivresses, mais aux mêmes désastres, les fous de la guerre des nations, les fous de la guerre des classes, et les fous de la paix ! On dirait que l’humanité, quand elle sortit le nez des boues brûlantes de la Création, a reçu un coup de soleil, dont elle ne s’est pas guérie, et qui la fait, par accès, retomber dans la fièvre chaude…
Ou bien, faut-il voir dans ces mystiques de la Révolution des signes avant-coureurs de la mutation qui couve dans l’espèce, — qui peut couver des siècles, — et qui peut-être n’éclora jamais ? Car il est, dans la nature, des milliers de possibilités latentes pour une