Des vieilles amitiés qui naguère entouraient Clerambault, une seule lui était restée, celle de Mme Mairet dont le mari venait d’être tué en Argonne.
François Mairet, qui n’avait pas encore atteint la quarantaine, quand il tomba obscurément dans la tranchée, était un des premiers biologistes français. Savant modeste, grand travailleur, chez qui couvait un patient génie, et que la célébrité fût venue trouver plus tard. Il n’était pas pressé de recevoir la visite de cette belle prostituée : on partage ses faveurs avec trop d’intrigants. Il lui suffisait des joies silencieuses que donne à ses élus l’intimité de la science, et d’un seul cœur sur terre avec qui les goûter. Sa femme était de moitié dans toutes ses pensées. Un peu plus jeune que lui, de famille universitaire, elle était de ces âmes sérieuses, aimantes, faibles et fières, qui ont besoin de se donner, mais qui ne se donnent qu’une fois. Elle vivait de la vie spirituelle de Mairet. Peut-être aurait-elle pu aussi bien partager celle d’un autre homme, si les circonstances l’avaient unie à lui. Mais,