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et demandait à « Monsieur le Sous-Secrétaire d’État » ce qui lui valait l’honneur de sa visite.

« Monsieur le Sous-Secrétaire d’État », nullement étonné de l’accueil obséquieux du vieux maître, se carrait dans son fauteuil, en l’attitude de supériorité familière que lui assurait son rang sur les deux illustrations de la pensée française : il représentait l’État. Il parlait du haut de son nez, et bramait comme un dromadaire. Il transmit à Perrotin l’invitation du ministre à présider une séance solennelle d’intellectuels guerriers de dix nations, au grand amphithéâtre de la Sorbonne, — « une séance imprécatoire », comme il disait. Perrotin accepta avec empressement, se confondant de l’honneur. Son ton de domestique avec le serin breveté par le gouvernement contrastait étrangement avec la témérité de ses propos, il n’y avait qu’un moment. Et Clerambault, choqué, pensait au Græculus.

Quand ils se retrouvèrent seuls, après que Perrotin eut reconduit jusqu’au seuil son « Chéri », qui marchait le cou raide et la tête levée, comme l’âne chargé de reliques, Clerambault voulut reprendre l’entretien. Il était un peu refroidi et ne le cachait point. Il invita Perrotin à déclarer en public les sentiments qu’il lui avait professés. Perrotin s’y refusa, naturellement, en riant de la naïveté. Et il le mit en garde, affectueusement, contre la tentation de se confesser tout haut. Clerambault se fâcha, discuta, s’entêta. Perrotin, en veine de franchise, et afin de l’éclairer, lui dépeignit son entourage, les grands intellectuels de la haute Uni-