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commence qu’au moment où se manifeste la raison. La seule vie véritable est la vie de la raison.

Qu’est-ce donc que l’existence visible, notre vie individuelle ? « Elle n’est pas notre vie », dit Tolstoï, car elle ne dépend pas de nous.

Notre activité animale s’accomplit en dehors de nous… L’humanité en a fini avec l’idée de la vie considérée comme existence individuelle. La négation de la possibilité du bien individuel reste une vérité inébranlable pour tout homme de notre époque, qui est doué de raison[1].

Il y a là toute une série de postulats, que je n’ai pas à discuter ici, mais qui montrent avec quelle passion la raison s’était emparée de Tolstoï. En vérité, elle était une passion, non moins aveugle et jalouse que les autres passions qui l’avaient possédé pendant la première moitié de sa vie. Un feu s’éteint, l’autre s’allume. Ou plutôt, c’est toujours le même feu. Mais il change d’aliments.

Et ce qui ajoute à la resemblance entre les passions « individuelles » et cette passion « rationnelle », c’est que l’une comme les autres ne se satisfont pas d’aimer, elles veulent agir, elles veulent se réaliser.

Il ne faut pas parler, mais agir, a dit le Christ.

  1. De la Vie, ch. x, xiv-xxi.