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Et il comprit que la vie du peuple travailleur était la vie elle-même et que le sens attribué à cette vie était la vérité.

Mais comment se faire peuple, et partager sa foi ? On a beau savoir que les autres ont raison ; il ne dépend pas de nous que nous soyons comme eux. En vain, nous prions Dieu ; en vain, nous tendons vers lui nos bras avides. Dieu fuit. Où le saisir ?

Un jour, la grâce vint.

Un jour de printemps précoce, j’étais seul dans la forêt et j’écoutais ses bruits. Je pensais à mes agitations des trois dernières années, à ma recherche de Dieu, à mes sautes perpétuelles de la joie au désespoir… Et brusquement je vis que je ne vivais que lorsque je croyais en Dieu. À sa seule pensée, les ondes joyeuses de la vie se soulevaient en moi. Tout s’animait autour, tout recevait un sens. Mais dès que je n’y croyais plus, soudain la vie cessait.

— Alors, qu’est-ce que je cherche encore ? cria en moi une voix. C’est donc Lui, ce sans quoi on ne peut vivre ! Connaître Dieu et vivre, c’est la même chose. Dieu, c’est la vie…

Depuis, cette lumière ne m’a plus quitté[1].

Il était sauvé. Dieu lui était apparu[2].

  1. Confessions, p. 93-95.
  2. À vrai dire, ce n’était pas la première fois. Le jeune volontaire au Caucase, l’officier de Sébastopol, Olenine des Cosaques,