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succédé le silence complet de la critique[1] et l’indifférence du public. Hautainement, il affectait de s’en réjouir.

Ma réputation a beaucoup perdu de sa popularité, qui m’attristait. Maintenant, je suis tranquille, je sais que j’ai à dire quelque chose et que j’ai la force de le dire très haut. Quant au public, qu’il pense ce qu’il voudra ![2]

Mais il se vantait : de son art, lui-même n’était pas sûr. Sans doute, il était maître de son instrument littéraire ; mais il ne savait qu’en faire. Comme il le disait, à propos de Polikouchka, « c’était un bavardage sur le premier sujet venu, par un homme qui sait tenir sa plume[3] ». Ses œuvres sociales avortaient. En 1862, il démissionna de sa charge d’arbitre territorial. La même année, la police vint perquisitionner à Iasnaïa Poliana, bouleversa tout, ferma l’école. Tolstoï était alors absent, surmené ; il craignait la phtisie.

Les querelles d’arbitrage m’étaient devenues si pénibles, le travail de l’école si vague, mes doutes qui provenaient du désir d’instruire les autres en cachant mon ignorance de ce qu’il fallait enseigner m’étaient si écœurants que je tombai malade. Peut-être serais-je

  1. De 1857 à 1861.
  2. Journal, octobre 1857, trad. Bienstock.
  3. Lettre à Fet, 1865 (Vie et Œuvre de Tolstoï).