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dire : sauf dans la notation de certains types locaux et dans un petit nombre de pages, qui frappent par le sentiment religieux ou par le réalisme dans l’émotion[1], la personnalité de Tolstoï s’y accuse très peu. Il y règne une douce, tendre sentimentalité, qui lui fut toujours antipathique, par la suite, et qu’il proscrivit de ses autres romans. Nous la reconnaissons, nous reconnaissons cet humour et ces larmes ; ils viennent de Dickens. Parmi ses lectures favorites, entre quatorze et vingt et un ans, Tolstoï indique dans son Journal : « Dickens : David Copperfield. Influence considérable. » Il relit encore le volume, au Caucase.

Deux autres influences, qu’il signale : Sterne et Tœppfer. « J’étais alors, dit-il, sous leur inspiration[2]. »

Qui eût pensé que les Nouvelles Genevoises avaient été le premier modèle de l’auteur de Guerre et Paix ? Et pourtant, il suffit de le savoir pour retrouver, dans les récits d’Enfance, leur bonhomie affectueuse et narquoise, transplantée dans une nature plus aristocratique.

Tolstoï, à ses débuts, se trouvait donc être pour le public une figure de connaissance. Mais sa personnalité ne tarda pas à s’affirmer. Adolescence (1853), moins pure et moins parfaite qu’Enfance, dénote une psychologie plus originale, un sentiment très vif de la nature, et une

  1. Le pèlerin Gricha, ou la mort de la mère.
  2. Dans une lettre à M. Birukov.