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le caractère cyclique de son imagination poétique, qui concevait rarement un sujet isolé, et dont les grands romans ne sont que les anneaux d’une longue chaîne historique, les fragments de vastes ensembles qu’il ne put jamais exécuter[1], Tolstoï, à ce moment, ne voyait dans les récits d’Enfance que les premiers chapitres d’une Histoire de quatre Époques, qui devait aussi comprendre sa vie au Caucase et sans doute aboutir à la révélation de Dieu par la nature.

Tolstoï a été très sévère plus tard pour ses récits d’Enfance, auxquels il a dû une partie de sa popularité.

— « C’est si mauvais, disait-il à M. Birukov, c’est écrit avec si peu d’honnêteté littéraire !… Il n’y a rien à en tirer. »

Il fut le seul de son avis. L’œuvre manuscrite, envoyée sans nom d’auteur à la grande revue russe le Sovrémennik (le Contemporain), fut aussitôt publiée (6 septembre 1852) et eut un succès général que tous les publics d’Europe ont confirmé. Cependant, malgré son charme poétique, sa finesse de touche, sa délicate émotion, on comprend qu’elle ait déplu à Tolstoï, plus tard.

Elle lui a déplu, pour les raisons mêmes qui firent qu’elle plaisait aux autres. Il faut bien le

  1. La Matinée d’un Seigneur est le fragment d’un projet de Roman d’un propriétaire russe. Les Cosaques forment la première partie d’un grand roman du Caucase. L’immense Guerre et Paix n’était, dans la pensée de l’auteur, qu’une sorte de préambule à une épopée contemporaine, dont les Décembristes devaient être le centre.