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ou une hypocrisie. Mais si on me tient pour un homme faible, j’apparais alors ce que je suis en réalité : un être pitoyable, mais sincère, qui a constamment et de toute son âme désiré et qui désire encore devenir un homme bon, un bon serviteur de Dieu.

Ainsi, il resta, persécuté par le remords, poursuivi par les reproches muets de disciples plus énergiques et moins humains que lui[1], déchiré par sa faiblesse et son indécision, écartelé entre l’amour des siens et l’amour de Dieu, — jusqu’au jour où un coup de désespoir, et peut-être le vent brûlant de fièvre qui se lève aux approches de la mort, le jetèrent hors du logis, sur les chemins, errant, fuyant, frappant aux portes d’un couvent, puis reprenant sa course, tombant sur sa route enfin, dans un obscur petit pays, pour ne plus se relever[2]. Et, sur son lit de mort, il pleurait, non

  1. Il semble qu’il ait subi, dans ses dernières années, et surtout dans ses derniers mois, l’influence de Vladimir-Grigoritch Tchertkov, ami dévoué, qui, longtemps établi en Angleterre, avait consacré sa fortune à publier et répandre l’œuvre intégrale de Tolstoï. Tchertkov a été violemment attaqué par un des fils de Tolstoï, Léon. Mais si l’on a pu accuser son intransigeance d’esprit, personne n’a mis en doute son absolu dévouement ; et, sans approuver la dureté peut-être inhumaine de certains actes où l’on croit sentir son inspiration, (comme le testament par lequel Tolstoï enleva à sa femme la propriété de tous ses écrits, sans exception, y compris ses lettres privées), il est permis de croire qu’il fut plus épris de la gloire de son ami que Tolstoï lui-même.

    Le journal de Valentin Boulgakov, dernier secrétaire de Tolstoï, est un miroir fidèle des six derniers mois, à Iasnaïa Poliana, depuis le 23 juin 1910. La traduction française en a paru dans Les œuvres libres, mai 1924, chez Arthème Fayard, à Paris.

  2. Tolstoï partit brusquement de Iasnaïa Poliana, le 28 octobre