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Dans son éloignement du libéralisme, c’est le dédain qui domine. Vis-à-vis du socialisme, c’est — ou plutôt ce serait — la haine, si Tolstoï ne se défendait de haïr quoi que ce fût. Il le déteste doublement, parce que le socialisme amalgame en lui deux mensonges : celui de la liberté et celui de la science. Ne se prétend-il pas fondé sur je ne sais quelle science économique, dont les lois absolues régentent le progrès du monde !

Tolstoï est très sévère pour la science. Il a des pages d’une ironie terrible sur cette superstition moderne et « ces futiles problèmes : origine des espèces, analyse spectrale, nature du radium, théorie des nombres, animaux fossiles et autres sornettes, auxquelles on attribue aujourd’hui la même importance qu’on attribuait, au moyen âge, à l’Immaculée Conception ou à la Dualité de la Substance ». — Il raille « ces servants de la science, qui, de même que les servants de l’Église, se persuadent et persuadent aux autres qu’ils sauvent l’humanité, qui, de même que l’Église, croient en leur infaillibilité, ne sont jamais d’accord entre eux, se divisent en chapelles, et qui, de même que l’Église, sont la cause principale de la grossièreté, de l’ignorance morale, du retard que met l’homme à s’affranchir du mal dont il souffre : car ils ont rejeté la seule chose qui pouvait unir l’humanité : la conscience religieuse[1]. »

  1. Guerre et Révolution.

    Dans Résurrection, lors de l’examen en cassation du jugement de la Maslova, au Sénat, c’est un Darwiniste matérialiste qui