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Tolstoï a dû quelques-uns des types les plus originaux de Guerre et Paix : le vieux prince Bolkonski, son grand-père maternel, un représentant attardé de l’aristocratie du temps de Catherine ii, voltairienne et despotique ; le prince Nicolas-Grégorévitch Volkonski, un cousin-germain de sa mère, blessé à Austerlitz et ramassé sur le champ de bataille, sous les yeux de Napoléon, comme le prince André ; son père, qui avait quelques traits de Nicolas Rostov[1] ; sa mère, la princesse Marie, la douce laide aux beaux yeux, dont la bonté illumine Guerre et Paix.

Il ne connut guère ses parents. Les charmants récits d’Enfance et Adolescence ont, ainsi que l’on sait, peu de réalité. Sa mère mourut quand il n’avait pas encore deux ans. Il ne put donc se rappeler la chère figure, que le petit Nicolas Irténiev évoque à travers un voile de larmes, la figure au lumineux sourire, qui répandait la joie autour d’elle…

Ah ! si je pouvais entrevoir ce sourire dans les moments difficiles, je ne saurais pas ce que c’est que le chagrin…[2].

Mais elle lui transmit sans doute sa franchise parfaite, son indifférence à l’opinion et son don

  1. Il fit aussi les campagnes napoléoniennes et fut prisonnier en France pendant les années 1814-1815.
  2. Enfance, chap. ii.