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s’y enrôler. En refusant de participer à l’exploitation humaine. En renonçant à l’argent et à la possession de la terre[1], en ne servant point l’État.

Mais ce n’est pas assez, il faut « ne pas mentir », ne pas avoir peur de la vérité. Il faut « se repentir », et arracher l’orgueil, enraciné avec l’instruction. Il faut enfin travailler de ses mains. « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » : c’est le premier commandement et le plus essentiel[2]. Et Tolstoï, répondant par avance aux railleries de l’élite, dit que le travail physique n’entrave en rien l’énergie intellectuelle, mais qu’il l’accroît au contraire et qu’il répond aux exigences normales de la nature. La santé ne peut qu’y gagner ; l’art, davantage encore. De plus, il rétablit l’union entre les hommes.

Dans ses ouvrages suivants, Tolstoï complétera

  1. « Le pivot du mal est la propriété. La propriété n’est que le moyen de jouir du travail des autres. » — La propriété, dit encore Tolstoï, c’est ce qui n’est pas à nous, ce sont les autres. « L’homme appelle sa propriété sa femme, ses enfants, ses esclaves, ses objets ; mais la réalité lui montre son erreur ; et il doit y renoncer, ou souffrir et faire souffrir. »

    Tolstoï pressent déjà la Révolution russe : « Depuis trois ou quatre ans, dit-il, on nous invective dans les rues, on nous appelle fainéants. La haine et le mépris du peuple écrasé grandissent. » (Que devons-nous faire ? p. 419.)

  2. Le paysan révolutionnaire Bondarev eût voulu que cette loi fût reconnue comme une obligation universelle. Tolstoï subissait alors son influence ainsi que celle d’un autre paysan, Sutaiev : « Pendant toute ma vie, deux penseurs russes ont eu sur moi une grande action morale, ont enrichi ma pensée, m’ont expliqué ma propre conception du monde : c’étaient deux paysans, Sutaiev et Bondarev. » (Que devons-nous faire ? p. 404.)

    Dans le même livre Tolstoï fait le portrait de Sutaiev, et note une conversation avec lui.