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sous la direction de Beethoven était évidente ; mais comment le lui faire comprendre ? Personne n’avait le cœur de lui dire : « Retire-toi, pauvre malheureux, tu ne peux pas diriger ». Beethoven, inquiet, agité, se tournait à droite et à gauche, s’efforçait de lire dans l’expression des différentes physionomies, et de comprendre d’où venait l’obstacle : de tous côtés, le silence. Tout à coup, il m’appela d’une façon impérieuse. Quand je fus près de lui, il me présenta son carnet et me fit signe d’écrire. Je traçai ces mots : « Je vous supplie de ne pas continuer ; je vous expliquerai à la maison pourquoi ». D’un bond, il sauta dans le parterre, me criant : « Sortons vite ! » Il courut d’un trait jusqu’à sa maison ; il entra et se laissa tomber inerte sur un divan, se couvrant le visage avec les deux mains ; il resta ainsi jusqu’à l’heure du repas. A table, il ne fut pas possible d’en tirer une parole ; il conservait l’expression de l’abattement et de la douleur la plus profonde. Après dîner, quand je voulus le