Page:Rolland - Vie de Beethoven.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


* * *

À cette heure de gloire succède la période la plus triste et la plus misérable.

Vienne n’avait jamais été sympathique à Beethoven. Un génie fier et libre, comme le sien, ne pouvait se plaire dans cette ville factice, d’esprit mondain et médiocre, que Wagner a si durement marquée de son mépris[1]

  1. Vienne, n’est-ce point tout dire ? — Toute trace du protestantisme allemand effacée ; même l’accent national, perdu, italianisé. L’esprit allemand, les manières et les mœurs allemandes, expliquées par des manuels de provenance italienne et espagnole.... Le pays d’une histoire falsifiée, d’une science falsifiée, d’une religion falsifiée.... Un scepticisme frivole, qui devait ruiner et ensevelir l’amour de la vérité, et de l’honneur, et de l’indépendance !... (Wagner, Beethoven, 1870.)
    Grillparzer a écrit que c’était un malheur d’être né Autrichien. Les grands compositeurs allemands de la fin du XIXe siècle, qui ont vécu à Vienne, ont cruellement souffert de l’esprit de cette ville livrée au culte pharisien de Brahms. La vie de Bruckner y fut un long martyre. Hugo Wolf, qui se débattit furieusement, avant de succomber, a exprimé sur Vienne des jugements implacables.