Page:Rolland - Vie de Beethoven.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rien, sans égards au monde, aux conventions, aux jugements des autres. Qu’a-t-il à craindre ou à ménager ? Plus d’amour et plus d’ambition. Sa force, voilà ce qui lui reste, la joie de sa force, et le besoin d’en user, presque d’en abuser. « La force, voilà la morale des hommes qui se distinguent du commun des hommes. » Il est retombé dans la négligence de sa mise ; et sa liberté de manières est devenue bien plus hardie qu’autrefois. Il sait qu’il a le droit de tout dire, même aux plus grands. « Je ne reconnais pas d’autres signes de supériorité que la bonté », écrit-il le 17 juillet 1812[1]. Bettina Brentano, qui le vit alors, dit qu’ « aucun empereur, aucun roi n’avait une telle conscience de sa force s. Elle fut fascinée par sa puissance : « Lorsque je le vis pour la première fois, écrit-elle à Goethe, l’univers tout entier disparut pour moi. Beethoven me fit oublier le monde, et toi-

  1. « Le cœur est le levier de tout ce qu’il y a de grand ». (À Giannatasio del Rio. — Nohl, CLXXX.)