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but que j’entrevois sans pouvoir le définir… Oh ! si j’étais délivré de ce mal, j’embrasserais le monde !… Point de repos ! Je n’en connais pas d’autre que le sommeil ; et je suis assez malheureux de devoir lui accorder plus de temps qu’autrefois. Que je sois seulement délivré à moitié de mon mal : et alors… Non, je ne le supporterai pas. Je veux saisir le destin à la gueule. Il ne réussira pas à me courber tout à fait. — Oh ! cela est si beau, de vivre la vie mille fois[1] ! »

Cet amour, cette souffrance, cette volonté, ces alternatives d’accablement et d’orgueil, ces tragédies intérieures se retrouvent dans les grandes œuvres écrites en 1802 : la Sonate avec marche funèbre, op. 26, la Sonate quasi una fantasia, et la Sonate dite du Clair de lune, op. 27, la Deuxième Sonate, op. 31, avec ses récitatifs dramatiques, qui semblent un monologue grandiose et désolé ; la Sonate en ut mineur pour violon, op. 30, dédiée à l’empe-

  1. A Wegeler (Nohl, XVIII).