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flexible sentiment moral l’arrêta[1]. Ses dernières espérances de guérison disparurent. « Même le haut courage qui me soutenait s’est évanoui. Ô Providence, fais-moi apparaître une fois un jour, un seul jour de vraie joie ! Il y a si longtemps que le son profond de la vraie joie m’est étranger. Quand, oh ! quand, mon Dieu, pourrai-je la rencontrer encore ?… Jamais ? — Non, ce serait trop cruel ! »

Cela semble une plainte d’agonie ; et pour-tant, Beethoven vivra vingt-cinq ans encore. Sa puissante nature ne pouvait se résigner à succomber sous l’épreuve. « Ma force physique croît plus que jamais avec ma force intellectuelle… Ma jeunesse, oui, je le sens, ne fait que commencer. Chaque jour me rapproche du

  1. « Recommandez à vos enfants la vertu ; elle seule peut rendre heureux, non l’argent. Je parle par expérience. C’est elle qui m’a soutenu dans ma misère ; c’est à elle que je dois, ainsi qu’à mon art, de n’avoir pas terminé ma vie par le suicide. » Et dans une autre lettre, du 2 mai 1810, à Wegeler : « Si je n’avais pas lu quelque part que l’homme ne doit pas se séparer volontairement de la vie, aussi longtemps qu’il peut encore accomplir une bonne action, depuis longtemps je ne serais plus — et sans doute par mon propre fait. »